Enfance et adolescence dans l'Ouest canadien : 1939-1955

Rien dans les antécédents de Vladimir Horik ne semblait le destiner à devenir un jour artiste peintre. En effet, il est issu d’une humble famille d’immigrants ukrainien qui étaient de modestes cultivateurs dans leur pays d’origine. Son père, venu «visiter» le Canada à l’âge de 18 ans, a abouti en Alberta et n’en est jamais reparti. Sa mère est née sur une ferme albertaine d’un père également originaire d’Ukraine qui n’avait que dix ans lorsqu’il est venu s'installer en Alberta avec ses parents en 1898, avant même que cette région ne devienne une province canadienne, faisant de lui un véritable pionnier de l’Ouest.

Le mariage de ses parents, célébré en 1937, donne lieu à la naissance un an plus tard d’une fillette mort-née, à celle de Vladimir l’année suivante et se solde par un divorce peu de temps après. Son enfance et son adolescence se dérouleront donc au rythme des nombreux déplacements de sa mère qui devait gagner sa vie et qui ne pouvait pas toujours s’en occuper personnellement. Il vivra tour à tour avec sa mère ou son père, à Edmonton, chez des amis de sa mère, qui s’occuperont de lui comme de leurs propres enfants, enfin avec un oncle et une tante qui exploitent une ferme à l’est d’Edmonton et qui ont un fils de son âge. Il le dira souvent lui-même: «Même si je viens d’un foyer désuni, je n’ai jamais manqué, ni de soins, ni d’attention, ni d’amour»".

Vers l’âge de huit ans, sa mère l’emmène vivre à Field, en Colombie-Britannique, et pour lui, ce sera une période dorée qui le marquera à jamais. Situé dans le parc Yoho dans les Rocheuses, le village de Field , tout en offrant à ses habitants un rythme de vie calme, libre et très proche de la nature, est en même temps une plaque tournante du trafic ferroviaire. Il peut donc à sa guise faire des excursions en montagne, construire avec des copains une cabane dans les arbres, aller à la pêche dans les rivières poissonneuses, faire du ski de montagne et de randonnée et aller admirer les grosses locomotives et les longs convois qui font tous escale à Field. C’est sans doute là que naîtra et s’épanouira son goût pour la nature, les montagnes et les paysages.

À 15 ans, sa vie d’écolier prend fin prématurément et un «grand frère adopté», qui travaille pour le CPR à Edmonton, favorise son embauche comme cheminot. Son travail - de nuit par surcroît - consiste à s’occuper de l’entretien des énormes locomotives à vapeur qui propulsent les convois: allumer le feu pour générer la vapeur, graisser les roues, déplacer les locomotives pour les remplir d’eau et de charbon et finalement les ramener dans la rotonde. Fier de se voir confier un travail d’homme dans un milieu qui lui rappelle de bons souvenirs, il accomplit sa tâche de son mieux, mais il admet s’être senti quelquefois terrorisé par la grosseur et la puissance de ces engins, lui qui était si jeune et pas très grand.

Cependant, ce travail devient monotone à la longue; il aspire à une vie plus stimulante et il cherche un moyen de sortir de son milieu. Il sait que le monde est vaste et que le sien est limité. Il voit une affiche des forces armées canadiennes représentant un parachutiste qui effectue une descente dans un beau ciel bleu et arborant le slogan «Engagez-vous et découvrez le monde». Il n’en faut pas plus au jeune homme avide de changement et d’aventure: il s’enrôle à 17 ans dans l’armée canadienne. C’est aussi à cette époque que son père, qui s’était remarié bien des années auparavant, a deux autres fils qui deviennent les frères qu’il a toujours rêvé d’avoir, mais qu’il n’a alors malheureusement pas la chance de connaître ni de fréquenter beaucoup à cause de ses nombreux déplacements dans le cadre de ses fonctions militaires.

Le jeune militaire au Canada : 1956-1965

En sa qualité de parachutiste et de spécialiste des communications dans l’armée canadienne, il a l’occasion de vivre dans plusieurs provinces canadiennes, en l’occurrence l’Alberta, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et finalement le Québec. En 1960, alors qu’il est affecté à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, il trouve le temps long pendant ses périodes de loisir, car il n’a jamais réussi à prendre goût aux passe-temps traditionnels des militaires de carrière : les cartes et la boisson. Il va bien de temps en temps à la pêche, mais ce n’est qu’une activité saisonnière.

Un jour qu’il se promène en ville, il aperçoit dans la vitrine d’un magasin un coffre d’artiste peintre et le déclic se produit. Il se souvient qu’à la petite école il réussissait toujours bien dans la classe de dessin et maintenant qu’il est dans l’armée, il se fait constamment solliciter pour illustrer divers documents. Il se dit que la peinture pourrait être une distraction agréable et passionnante. Il entre donc dans le magasin et demande le prix du coffre. «Mais monsieur, il n’est pas à vendre, il fait partie de la décoration de ma vitrine», se fait-il répondre. En fait, ce n’était pas un magasin de matériel d’artiste, mais une tabagie ; cependant, grâce à son pouvoir de persuasion, il réussit à ressortir du magasin, coffre en mains. Et c’est le début du début...

La première œuvre qu’il réalise représente deux montagnes en face d’un plan d’eau, peinte sur une pièce découpée d’une bâche de camion, car celle-ci est en toile et par le cinéma, il sait qu’une œuvre d’art doit être peinte sur toile - il a changé d'avis depuis. Mais la toile est molle et difficile à peindre ; il faut donc la monter sur un faux cadre. Débrouillard et bon bricoleur, il se sert du bois d’une caisse de légumes pour façonner un faux cadre. Rien ne lui ferait plus plaisir que de retrouver cette première toile.

Sa deuxième oeuvre reproduit un cougouar dans la forêt tropicale et une fois fièrement terminée, elle est lacérée au couteau par un compagnon d’armes en état d’ébriété. Qu’à cela ne tienne; il ne se décourage pas pour autant. Il continue de peindre sur toute surface appropriée et il est enchanté d’avoir enfin découvert une occupation qui sait le satisfaire.

En 1961, il est muté au camp de Valcartier au Québec pour fournir les communications au 22e régiment. Or, les autorités militaires avaient «oublié» de lui dire que le Québec était une province francophone et l’école albertaine avait été muette sur le sujet. C’est donc à la fois un choc et un ravissement de se trouver dans un milieu totalement inconnu. Lui qui aime l’aventure, il est bien servi. Mais comment lier connaissance et se faire des amis quand on est incapable de communiquer dans la langue du pays ?

Sa rencontre fortuite avec une francophone de la ville de Québec, enseignante à plein temps, étudiante en lettres à temps partiel à l’Université Laval et surtout bilingue, changera le cours de sa vie. Attiré par les qualités et la personnalité de cette jeune fille qui porte un nom presque commun au Québec - Tremblay -, il s’engage dans une cour assidue qui le mènera au pied de l’autel en 1963.

L'étudiant au Québec : 1956-1971

Doté d’une certaine facilité pour les langues, Vladimir apprend assez rapidement le français et s’intègre tellement bien au milieu québécois qu’il décide d’y prendre racine et d’y fonder une famille. La naissance d’un premier enfant en 1965 coïncide avec sa décision de se lancer dans une toute nouvelle aventure, celle des études à plein temps à l’École des beaux-arts de Québec.

Il s’inscrit au programme d’arts graphiques, car un père de famille responsable doit assurer le gagne-pain des siens ... Dans son esprit, il sera certainement plus facile de trouver un emploi rémunérateur comme graphiste que comme artiste peintre. Et pour avoir plus d’une corde à son arc, après avoir obtenu son diplôme des Beaux-Arts, il va décrocher un brevet d’enseignement des arts plastiques à l’Université Laval.

Parmi d’autres excellents professeurs, celui qui le marque le plus profondément est Antoine Dumas, dont l’art et les qualités pédagogiques suscitent chez lui la plus grande admiration. C’est durant la dernière année de ses études que la classique École des beaux-arts, située sur la rue Saint-Amable à Québec, déménage temporairement ses pénates à l’Académie de Québec à Sainte-Foy pour finalement s’installer définitivement l’année suivante dans ses nouveaux locaux de l’Université Laval et adopter son nouveau nom d’École des arts visuels. Il est donc de la dernière promotion de l’École des Beaux-Arts de Québec.

Deux événements marquent cette période consacrée aux études. C’est d’abord la naissance d’un deuxième fils, Martin, en 1967. Puis, le long périple qui le mène, en compagnie de toute sa famille, en Europe, en Afrique du Nord et en Amérique, à la recherche de nouveaux horizons. Ce voyage, extrêmement enrichissant à tous points de vue, lui fait comprendre que sa vraie place est au Canada et qu’il ne pourrait trouver meilleur endroit pour vivre. Et c’est avec plaisir et enthousiasme qu’il revient à Québec terminer ses études.

L'homme et l'artiste : 1971-1997

Comme il l’avait prévu, aussitôt son diplôme en poche, il décroche un premier contrat dans une agence publicitaire, mais il ne tarde pas à se rendre compte qu’il ne prise pas trop ce genre de travail. Il envisage alors une autre possibilité, celle de faire de la peinture, forme d'expression pour laquelle il a toujours eu une grande prédilection. Les débuts ne sont pas faciles: il faut une bonne dose de persévérance, un travail acharné, la compréhension et la patience de sa femme et quelques emprunts bancaires pour boucler le budget.

Sa décision de quitter la ville pour s’établir sur une ferme du comté de Charlevoix est motivée par de multiples raisons: d’abord, pour jouir d’une certaine paix et tranquillité d’esprit, nécessaire pour lui au travail de création; ensuite, parce que cette région du Québec, recouverte d’eau et de montagnes, lui rappelle un peu les Rocheuses, ce lieu bénit de son enfance; enfin, lui et sa femme croient que la campagne est un endroit idéal pour élever des enfants. Sa décision de quitter la ville pour s’établir sur une ferme du comté de Charlevoix est motivée par de multiples raisons: d’abord, pour jouir d’une certaine paix et tranquillité d’esprit, nécessaire pour lui au travail de création; ensuite, parce que cette région du Québec, recouverte d’eau et de montagnes, lui rappelle un peu les Rocheuses, ce lieu bénit de son enfance; enfin, lui et sa femme croient que la campagne est un endroit idéal pour élever des enfants.

Il devient ainsi l’un des précurseurs d’une nouvelle génération d’artistes qui viennent s’installer dans le magnifique comté de Charlevoix, confirmant la vocation artistique déjà bien reconnue de la région et lui redonnant une certaine vigueur.

Il joue alors au gentleman-farmer tout en s’adonnant à la peinture et en donnant des cours de dessin et de peinture à Québec et dans son atelier de Saint-Hilarion. Mais après quelques années de ce rythme de vie un peu plus mouvementé que prévu, il peut enfin atteindre le but auquel il aspire, celui de se consacrer uniquement à la peinture.

Donc, à partir de 1976, ses activités fermières diminuent graduellement pour faire une place toujours de plus en plus grande à la peinture, si bien qu’aujourd’hui sa principale occupation concernant sa ferme consiste à regarder pousser les arbres qu’il a généreusement et consciencieusement plantés au cours des années.

Depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui, plusieurs événements importants jalonnent sa carrière artistique.

De 2000 à aujourd'hui

Maintenant octogénaire, Vladimir peint toujours régulièrement. Il expose ses tableaux principalement à la galerie d’art Au P’tit Bonheur qui le représente depuis les années 80. Comme l’enthousiasme et l’énergie sont toujours au rendez-vous, Vladimir a toujours la tête pleine de projets. De plus, ses nombreux voyages lui permettent encore de se renouveler. Il aime particulièrement réaliser de grands tableaux qui feront partie de son héritage artistique. En guise de conclusion, Vladimir tient à dire qu’il a le privilège et le grand bonheur de faire ce qu’il aime et qu’il vient d’entreprendre avec enthousiasme l’élaboration d’un nouveau livre.